Législatives: la Nupes mise sur les abstentionnistes et l’intensification de la campagne
Écrit par Montassar Sassi sur 13 juin 2022
PARIS: Après l’euphorie du premier tour des législatives, le plus dur commence pour la Nupes, qui dispose d’une réserve de voix théoriquement moins grande qu’Ensemble et doit réussir à mobiliser les abstentionnistes pour espérer empêcher Emmanuel Macron d’avoir la majorité absolue.
Jean-Luc Mélenchon n’a pas prononcé les mots « Matignon » ou « Premier ministre » lors de son discours dimanche soir. Mais officiellement, l’objectif d’envoyer le troisième homme de la présidentielle à Matignon n’est pas abandonné. L’intéressé a tenté de le faire imaginer en disant que « si vous le décidez alors oui, dans 10 jours, les prix seront bloqués, le SMIC sera augmenté à 1 500 euros ».
« Bien sûr qu’il y croit toujours, c’est l’objectif, on l’a tous en tête, on veut gagner », assure Aurélie Trouvé, présidente du parlement de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes).
« Matignon ne s’éloigne pas, Matignon se rapproche », a déclaré M. Mélenchon devant son QG à Paris, en début d’après-midi. Il a réitéré sa demande aux jeunes: « Déferlez, c’est le moment où vous avez les pleins pouvoirs de tout changer ».
« Cette stratégie a payé, elle a simplifié et clarifié les enjeux », observe Simon Persico, spécialiste de la gauche et professeur à Sciences-Po Grenoble. Mais pour le second tour, elle s’avère moins crédible, ajoute-t-il: « Il faudrait que la Nupes gagne 80% de ses seconds tours ».
Or, la Nupes ne part pas favorite dans nombre des duels en raison d’un désavantage sur les réserves de voix: unie dès le premier tour, la gauche a fait le plein, alors qu’Ensemble pourra compter sur les voix de droite.
Mais plusieurs dirigeants de la coalition voient tout de même un espoir, comme la numéro 2 du PS Corinne Narassiguin: « Il y a certaines circonscriptions où il a encore des réserves de voix, par exemple celles où il y avait d’autres candidats de gauche au premier tour », comme là où des dissidents PS se sont présentés.
«Fil ténu»
Aurélie Trouvé, arrivée largement en tête (53,5%) dans la 9e circonscription de Seine-Saint-Denis, estime qu’il y a « des réserves de voix énormes chez les abstentionnistes », et en particulier « chez les jeunes »: « J’ai fait le tour de ma circonscription hier (dimanche), il n’y avait pas les files de jeunes » vues au premier tour de la présidentielle.
Dans l’entre-deux-tours, sur le plan national, annonce-t-elle, « on va insister sur les jeunes, en leur disant : +C’est à vous de déterminer votre avenir+ au moment où on débat de l’état de la planète dans 50 ans ». Les couches populaires aussi, plus promptes à s’abstenir, seront ciblées, « au plus près du terrain avec du porte-à-porte ».
Pour Corinne Narassiguin, « les jeunes étaient ceux qui étaient, lors de la présidentielle, les plus motivés pour mettre la gauche au second tour, il faut qu’on arrive à les mobiliser, leur prouver que c’est possible d’entraver Emmanuel Macron ». Elle estime qu’au-delà du slogan « Mélenchon Premier ministre », « les jeunes approuvent l’union, c’est la coalition dans toute sa diversité qu’il faut mettre en avant ».
Selon Simon Persico, la Nupes va devoir « trouver un équilibre délicat, un fil ténu »: « D’un côté mobiliser les abstentionnistes, car ses électeurs sont ceux qui se sont le plus démobilisés par rapport à la présidentielle; de l’autre mener une campagne rassembleuse, qui réussisse à contrebalancer la stratégie de LREM d’en faire le camp anti-républicain, islamo-gauchiste, décroissant ».
En effet, sur ce dernier point, il faut « réussir à attirer une partie des électeurs de droite contre le RN » pour la soixantaine de circonscriptions où vont avoir lieu des duels entre Nupes et l’extrême droite, souligne M. Persico.
« Le niveau d’agressivité, de violence verbale, de manipulation nous sert. Les Français n’aiment pas ça », a jugé M. Mélenchon.
M. Persico ajoute que la Nupes « peut s’appuyer sur le fait qu’il soit plus probable qu’Ensemble n’ait pas de majorité absolue que l’inverse ».
Autre motif d’espoir pour la gauche, indique-t-il: « Les enjeux du scrutin vont être plus clairs, la campagne va gagner en intensité, ce qui va mobiliser plus ».