Législatives: dans les pas de Mélenchon à Marseille, un boulevard pour Bompard ?
Écrit par Montassar Sassi sur 9 juin 2022
MARSEILLE: A Marseille, Manuel Bompard découvre la circonscription que vient de lui léguer Jean-Luc Mélenchon, la 4e des Bouches-du-Rhône: sans doute un boulevard électoral pour le candidat Insoumis, mais aussi un défi politique et humain, dans ces quartiers parmi les plus pauvres d’Europe.
Veste bleu, jeans/tee-shirt, Manuel Bompard entre timidement distribuer des tracts dans les commerces du quartier de Belsunce, à deux pas de la gare Saint-Charles: « ça va, vous allez bien ? »
« C’est gagné d’avance », lui lance un bénévole d’une association qui dispense gratuitement des cours de français. « Il n’y a jamais d’élection gagnée par avance », rectifie l’actuel député européen auprès de journalistes.
Jean-Luc Mélenchon a fait ici 54,4% au premier tour de la présidentielle. Mais Manuel Bompard, docteur en mathématiques de 36 ans, parachuté dans cet ancien bastion communiste, sait bien que son « principal adversaire est l’abstention, la résignation, le fait que ça sert à rien d’aller voter ».
« Figures parmi les plus éminentes de la nouvelle génération », selon le leader Insoumis, il a été son directeur de campagne aux deux dernières présidentielles et l’un des artisans de l’accord de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes).
Habitué des coulisses, il a visiblement plus de mal à engager la conversation avec les Marseillais. A ses côtés, des militants à la gouaille bien locale font le service après-vente, comme Patrick: « Vous avez voté pour papa, maintenant faut voter pour le fiston ».
« Il y a des voix acquises, mais aussi beaucoup de déçus de la politique. Alors pour les convaincre, je leur parle concrètement de notre proposition d’une retraite à 60 ans, des injustices, de l’avenir de leurs enfants », explique Hocine Nansri, ex-militant socialiste converti aux Insoumis.
Dans cette circonscription qui longe le port maritime en passant par le Panier et remonte jusqu’à Saint-Mauront, près de 43% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté selon l’Insee, contre 14,5% dans le reste de la France. Et l’effondrement meurtrier de deux immeubles à Noailles en 2018 a mis une lumière crue sur le scandale du logement insalubre dans la 2e ville de France.
Le logement d’abord
« Ni Mélenchon ni dégun » (personne, ndlr), crie un jeune assis sur une chaise pliante dans la rue au passage de la délégation. « Je vote mais ça sert à rien, ils sont tous plein de tchatche », embraye un autre habitant, Abdelkader, qui ne souhaite pas donner son nom et a voté Mélenchon à la présidentielle.
L’abstention pourrait atteindre un nouveau record dimanche, et particulièrement ici, où elle avait frôlé les 58% au premier tour de 2017 (contre 51,3% au niveau national). Ce qui pourrait compromettre toute chance au candidat Insoumis de gagner dès le premier tour.
A quelques rues de là, Najat Akodad, avocate de 38 ans qui a grandi à Montbéliard (Doubs) dans une famille d’origine marocaine de huit enfants, laboure le terrain pour la majorité présidentielle.
« On cherche un HLM, toujours on cherche et on n’a pas de réponse », lui confie une première passante. « Je travaille depuis 21 ans, je demande un changement de logement social et je n’obtiens rien. Mes APL ont baissé », énumère une autre, avant de fondre en larmes.
« Vous êtes émue, je comprends », lui répond la candidate, qui l’invite à s’assoir à une terrasse.
Face à des statistiques effarantes à Marseille, avec 40.000 demandeurs de logements sociaux et autant de taudis, Manuel Bompard estime que les « réponses sont nationales » et promet de porter une loi sur le sujet de l’habitat insalubre s’il est élu.
Najat Akodad vante elle le plan impulsé par Emmanuel Macron, « Marseille en grand », qui comprend un volet logement: « Je sais que ça va être difficile, mais l’électorat voudra quelqu’un de proche », veut-t-elle croire.
La LR Solange Biaggi joue elle la carte de la « Marseillaise sur ce terrain depuis dix ans » et raille son concurrent Insoumis, « un parachuté de plus qui va faire trois petits tours et puis s’en va ».
Pendant ce temps, Manuel Bompard continue son acculturation, à la rencontre d’un groupe de supporters de l’OM. Lui qui est né dans la Loire, à deux pas de Saint-Etienne…